AAIQ   L'Association des Allergologues et Immunologues du Québec

L’immunothérapie orale aux aliments

L’immunothérapie orale (ITO) est une forme de traitement pour les allergies alimentaires. Elle consiste à introduire dans la diète quotidienne une petite quantité de l’aliment auquel on est allergique, en dessous du seuil qui déclenche une réaction, dans le but d’induire une tolérance à une certaine quantité de celui-ci. Avec le temps, l’exposition régulière à l’aliment consomme les anticorps qui arment les cellules d’allergie, ce qui augmente le seuil de tolérance de l’aliment. La dose d’aliment quotidienne pourra ainsi être augmentée périodiquement lors de visites chez l’allergologue, jusqu’à l’atteinte d’une quantité cible permettant d’offrir un niveau de protection désiré contre les accidents, ou même d’intégrer l’aliment en question dans la diète, selon les cas et les objectifs du patient.

La désensibilisation

L’état de désensibilisation décrit ci-haut est temporaire. Si la prise quotidienne de la dose d’aliment est cessée, les anticorps vont progressivement réarmer les cellules d’allergie et la protection sera perdue, dans un délai plus ou moins rapide, selon les patients. Il est donc important que le patient soit motivé de manger l’aliment à tous les jours pour maintenir la protection à court terme. En cas de réaction à la dose, on va généralement avoir tendance à réduire la dose quotidienne, plutôt que de la cesser complètement, pour éviter de perdre l’état de désensibilisation.

L’effet soutenu

À long terme, l’exposition régulière à l’aliment amène également le corps à produire des anticorps protecteurs qui interfèrent avec ceux causant l’allergie. Ces anticorps protecteurs persistent après l’arrêt des doses quotidiennes et sont généralement suffisants pour protéger le patient des réactions graves avec des petites quantités de l’aliment. Ainsi, après 3 à 5 ans de traitement, si le patient choisit d’arrêter de prendre ses doses quotidiennes, il maintient habituellement une certaine protection, lui permettant de s’exposer à de petites quantités sans risque d’anaphylaxie. Selon l’aliment et les préférences personnelles, cette protection peut suffire à répondre aux objectifs du patients (ex. : protection contre les accidents avec les noix). Dans d’autres situations, les patients vont préférer continuer l’immunothérapie à long terme pour pouvoir s’exposer à de plus grandes quantités de l’allergène.

La rémission complète

Lorsqu’initiée en bas âge, peu de temps après le diagnostic d’une allergie, l’immunothérapie peut également mener à une rémission complète de celle-ci. Plus le temps passe et plus la production d’anticorps d’allergie augmente, plus il sera difficile d’enrayer celle-ci de façon définitive. Il y a donc une fenêtre d’opportunité dans les premières années de vie pour intervenir avec une approche curative. Compte tenu des enjeux d’accès, des programmes sont en développement pour permettre aux familles d’initier le processus de désensibilisation avant de voir l’allergologue, afin de ne pas manquer la fenêtre d’opportunité pour induire une rémission de l’allergie.

Effets secondaires

L’expérience de l’immunothérapie orale varie d’un patient à l’autre, en fonction de la sévérité de leur allergie, des objectifs qu’on s’est fixés, et de facteurs biologiques qui ne sont pas complètement élucidés. La majorité des patients vont présenter des symptômes légers, surtout au niveau de la bouche ou de l’estomac, à un certain point dans le traitement. Ceux-ci sont généralement facile à maitriser, soit en ralentissant la vitesse de progression de la dose quotidienne ou en ajoutant des médicaments à prendre avec la dose.

Certains patients peuvent cependant présenter des réactions plus importantes, nécessitant l’usage de l’auto-injecteur d’épinéphrine. Au total, les études montrent qu'il y a plus de chances d'utiliser l'auto-injecteur en suivant une immunothérapie orale qu'en continuant d'observer un évitement strict de l’allergène. En rétrospective, on peut généralement expliquer ces réactions à des doses normalement tolérées par la présence de « co-facteurs » d’anaphylaxie, qui sont des éléments qui nous rendent momentanément plus sensibles à faire des réactions. Les co-facteurs classiques incluent l’exercice physique soutenu, la fièvre et les infections, les canicules, la prise d’alcool, la prise d’anti-inflammatoires (AINS) comme l’ibuprofène ou l’aspirine, ou la période des menstruations. Il est donc important de suivre les instructions de l’allergologue pour éviter ces co-facteurs immédiatement avant et après la prise de la dose, et d’être prêt à utiliser l’auto-injecteur d’épinéphrine au besoin en cas de réaction.

Plus rarement certains patients vont développer une irritation allergique de l’œsophage et de l’estomac pouvant nécessiter l’arrêt du traitement.

À l’inverse, chez les nourrissons chez qui l’on intervient peu de temps après le diagnostic, avant que les anticorps d’allergie n’aient eu le temps de s’amplifier, les réactions sont beaucoup moins fréquentes et généralement peu significatives.

Choix de la dose cible

Le choix de la dose d’entretien visée varie en fonction des objectifs du patient. Alors que les patients allergiques au lait ou aux œufs vont généralement vouloir atteindre des doses plus importantes pour intégrer les aliments dans la diète, un patient allergique aux noix ou aux arachides pourrait se satisfaire d’une petite dose offrant simplement une protection contre les contacts accidentels.

Il est important de noter que les études ont montré que des doses aussi petites que 4 mg (1/50 d’arachide) sont suffisantes pour induire une rémission chez les nourrissons et pour générer les anticorps protecteurs chez les plus patients plus âgés. L’immunothérapie à petite dose est donc une avenue intéressante pour les patients sévèrement allergiques, ceux qui n’aiment pas le goût de l’aliment, ou ceux qui ont eu un échec avec les plus grandes doses.


Références

  1. Kim EH, Keet CA, Virkud YV, Chin S, Ye P, Penumarti A, et al. Open-label study of the efficacy, safety, and durability of peanut sublingual immunotherapy in peanut-allergic children. J Allergy Clin Immunol 2023;151(6):1558–1565.

On trouvera des informations supplémentaires dans nos articles de recherche.

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Anna Voia et Philippe Bégin MD, PhD, FRCPC

Mise à jour 11/2024