AAIQ   L'Association des Allergologues et Immunologues du Québec

Les grands concepts en immunologie

Il existe quelques grands concepts dans notre spécialité, dont les déficits immuns (discuté dans une autre section), l'anaphylaxie, l'allergie et l'atopie, les greffes et l'autoimmunité.

Bellanti a identifié les différentes réactions d'hypersensibilité de la façon suivante1 , et ce quelque soit le type de réponse immunologique impliquée (type I, II, III, IV de Gell et Coombs):

    • L’allergie, quand l’allergène est une molécule n’appartenant pas à l’espèce humaine, tel un pollen, un allergène d’animal, un produit cosmétique ou un médicament.
    • Le rejet de greffe, quand l’antigène provient de l’espèce humaine, tel un rein, un foie, un cœur ou un poumon.
    • L’autoimmunité, quand l’antigène appartient à l’individu même.

Anaphylaxie, allergie et atopie

Le mot anaphylaxie, a été utilisé par Richet et Portier en 1902, pour signifier que la seconde injection d’extraits de tentacules d’Actinaria au chien résulte en une réaction de choc souvent léthal: on est loin de la “prophylaxie” obtenue suite à la vaccination: d’où le terme d’ “anaphylaxie”.

Le terme d’allergie a été introduit par Von Pirquet en 1906, et signifie une réactivité immunologique modifiée, comme c’est le cas dans la fièvre des foins. Petit à petit l’allergie a englobé des réactions autres que celles médiées par les réagines, identifiées en 1966 comme étant des anticorps, dénommés les IgE (réaction de type I de Gells et Coombs 2): l’allergie englobe aussi certaines réactions médiées par d’autres types d’anticorps, dont les agglutinines (apparentées aux réactions de type II), et les précipitines (apparentées aux réactions de type III). Certaines réactions de type IV, médiées par les lymphocytes et non par des anticorps, peuvent aussi être considérées des allergies (exemple : la dermite de contact à l’herbe à puces).

Le concept d’atopie a été introduit en 1923 par Coca et Cooke 3 pour désigner des allergies de nature familiale ou héréditaire. Historiquement l’atopie était considérée héréditaire, limitée à l’humain, une réponse qualitativement anormale, et caractérisée cliniquement par une fièvre des foins, de l’asthme et de la dermite atopique, avec tests cutanés d’allergie positifs. Par la suite, de nouvelles données sont venues obscurcir la notion d’atopie, et le terme atopie a été utilisé de façon interchangeable avec le terme allergie.

Cependant, l’atopie ne représente que les réactions allergiques IgE-médiées responsables de rhinite, d’asthme, et souvent associées à une forme d’eczéma dit atopique 4. D’autres types de réactions allergiques IgE-médiées, telles une anaphylaxie à la pénicilline, ne sont pas considérées comme atopiques.

Plus récemment, Novak et Bieber 5 ont tenté de définir deux types d’atopie : l’atopie allergique ou classique, telle que définie ci-haut, et l’atopie non allergique, pour englober les cas de rhinite, d’asthme et d’eczéma, non associés à une sensibilisation IgE.

Greffes

Avec les progrès de la médecine et de la chirurgie, on a introduit la greffe d’organe comme moyen thérapeutique. Les organes greffés proviennent d’autres êtres humains, et l’individu qui reçoit un organe d’un autre individu, développe une réponse immune contre cet organe, et a tendance ainsi à le rejeter.

La transfusion sanguine est un vieil exemple de greffe de cellules étrangères, et si on ne fait pas attention de bien vérifier que les antigènes de surface des globules transfusés soient identiques à ceux du receveur, le receveur réagit aux cellules transfusés : c’est ce que l’on appelle la réaction transfusionnelle.

Dans le cas de la greffe d’un organe solide, tel un rein, un foie, un poumon ou un cœur, la quantité d’antigènes de surface des cellules de l’organe sont beaucoup plus nombreuses et diversifiées que les antigènes de surface des globules rouges, donc il est pratiquement impossible d’avoir une homologie parfaite, sauf dans le cas de greffe entre 2 jumeaux identiques. Il y a donc un mécanisme immunologique de rejet de l’organe qui s’installe, que l’on doit contrôler de notre mieux avec une médication adéquate.

Un cas particulier de greffe est celui de la greffe de moelle osseuse : la moelle osseuse contient les cellules lymphocytaires du donneur, et ce sont ces cellules que deviendront responsables de la nouvelle réponse immune du receveur. Or ces lymphocytes reconnaissent des antigènes du receveur, et développent une réponse immune contre ces antigènes du receveur. Ce sont alors les cellules du donneur qui rejettent celles du receveur : on assiste donc à un rejet du receveur par les cellules greffées. Ici aussi, avec une médication appropriée, on tente encore une fois de contrôler ce type de rejet particulier.

Autoimmunité

Enfin, certaines maladies sont le résultat d’une activité anormale des cellules lymphocytaires de l’individu, dirigée contre des antigènes de ce même individu. On parle lors d’autoimmunité.

 La réponse immune peut être spécifique à un organe, comme dans le cas de la thyroidite autoimmune, ou de certains cas de diabète (diabète type I, autoimmun, anciennement appelé juvénile, nécessitant un traitement à base d’insuline).

 Dans d’autres cas, la réponse immune est plus généralisée, et est responsable d’une maladie plus systémique, comme dans le cas du lupus ou de la sclérodermie.


Références

  1. Bellanti JA. Immunologically mediated diseases. Dans: Bellanti JA. Immunology III, Saunders, 1985:346-446.
  2. Coombs RAA, Gell PGH. Classification of allergic reactions responsible for clinical hypersensitivity and disease. Dans: Gell PGH, Coombs RRA, Lackman PJ. Clinical Aspects of Immunology. Oxford, Blackwell 1975:761.
  3. Coca AF, Cooke RA. On the classification of the phenomena of hypersensitiveness. J Immunology 1923;8:163.
  4. Spector SL, Farr RS. Atopy reconsidered. Clinical Allergy 1976;6:83-90.
  5. Novak N, Bieber T. Allergic and nonallergic forms of atopic diseases. J Allergy Clin Immunol 2003;112:252-262.

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André Caron, MD FRCPC, allergologue et immunologue